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lettres à marcie

et prépare le sentier à la génération qui nous suit.

Quel remède en effet assigner à la perte de nos croyances ? Autant vaudrait essayer d’arrêter le vol brûlant des comètes que d’espérer retenir dans sa chute un trône ou un temple qui s’écroule. L’humanité procède historiquement, en vertu de son libre arbitre ; et la souveraine intelligence qui la gouverne l’abandonne à toutes ses chances d’erreur et d’infortune, parce qu’elle l’a douée d’un principe vital qui ne périt point, parce qu’elle sait que la vérité renaît toujours de ses propres cendres et que l’on ne l’enterre pas sous des ruines. Jamais, quoi qu’on fasse, on ne détruit l’esprit de vie des religions ; on ne brise que de vains simulacres, on ne souille que des vêtements, on n’altère que des formes extérieures. L’humanité tombe un instant haletante et comme épuisée ; puis elle reprend courage et se relève aussi ardente à rebâtir qu’elle le fut à détruire ; elle répare, quand les jours de santé sont revenus, le mal qu’elle a fait dans les jours de délire. Elle reconstruit tous les édifices, et c’est toujours à l’Éternel, à la perfection et à la vérité qu’elle les dédie. Elle rejette tous les mauvais matériaux et tous les faux procédés qui causèrent la ruine de l’œuvre ancienne, et, faisant usage d’éléments mieux éprouvés, elle rétablit promptement un nouvel ordre approprié à ses besoins nouveaux. Ainsi, sous les régions tropicales, la nature robuste et généreuse recommence son travail après de grands orages, et l’on voit la végétation, pressée de réparer le temps perdu, reverdir en un jour et cacher sous un luxe magique les désastres de la veille.

Laissez-vous soutenir au sein de votre désespoir par une mâle certitude, par une sévère consolation.