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lettres à marcie

L’étude de ces vieux maîtres était bonne par elle-même ; mais la chaleur factice que ces mânes illustres pouvaient nous rendre un instant fit bientôt place au froid du tombeau. Nous sentîmes leurs reliques tomber en poussière, tandis que la voix du Christ criait encore au fond de nos âmes et que son sang coulait toujours, rare, mais chaud et vivifiant, des veines de la Montagne sainte. Un instant nous vîmes Rome et Sparte secouer leurs fantômes héroïques sur le monde des vivants. De grands actes de délivrance s’accomplirent sous leurs auspices, mais leurs vastes linceuls ne furent pas longtemps à notre taille. Les exploits homériques de l’empire napoléonien ajoutèrent encore quelques jours d’illustration à notre rêve d’antiquité. Puis, après les guerres de la délivrance et celles de l’ambition, l’homme retomba des enivrements de la gloire dans les soucis de la réalité. Il se retrouva en présence d’un Dieu longtemps oublié qu’il ne savait plus ni invoquer ni entendre. Il n’y avait plus de médiateur entre le ciel et la conscience humaine. Les anciens rois et les anciens prêtres revenaient en procession solennelle et ridicule, portant sur leur bannière un Christ souillé et défiguré, une idole honteuse revêtue des emblèmes divins, Baal effrontément courbé sous la couronne d’épines, sous le bois sacré de la croix, apportant aux hommes la servitude et l’abrutissement au nom du Père des hommes et du Sauveur des nations. Plus que jamais dégoûtés du mensonge, nous nous sommes retrouvés face à face avec nous-mêmes, avec un nouvel homme, vide de foi et de volonté, avec un spectre qui revendiquait pour substance la fange de la matière, pour pères les dieux les plus aveugles et les plus grossiers, les monstres que Jupiter