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lettres à marcie

cates, que vous savez de quelle haute vertu elle est capable ; mais promettez-moi de ne jamais entrer en explication sur ce sujet. » Elles le promirent, et furent fidèles à leur engagement. Et, quand je demandai au curé, qui me racontait ces détails, pourquoi il avait exigé si expressément ce silence : « Voyez, dit-il en souriant, tout acte sublime a une explication naturelle, et l’explication naturelle n’empêche pas l’acte d’être sublime ; il y a dans Arpalice un immense, un vénérable orgueil, si je puis m’exprimer ainsi. En même temps, il y a tant de foi et de droiture, qu’elle regarde son sacrifice comme la dernière chose du monde, tandis que ses hésitations, son entraînement vers ce jeune homme, et les regrets qu’elle a étouffés depuis, lui apparaissent comme des faiblesses dont elle rougit ; et je sais, moi qui connais tous les replis de son cœur, qu’en vantant la grandeur de son courage ses sœurs l’eussent beaucoup plus humiliée que flattée… Et puis qui sait si, en lâchant la bride à ces conversations dangereuses, la tête des deux autres ne se fût pas enflammée de quelque vaine curiosité ? Qui sait si l’amour d’Arpalice ne fût pas sorti de ses cendres ? Tout le monde se trouve bien de cet arrangement. J’ai voulu dire à Giulia et Luigina ce qu’elles devaient de reconnaissance et d’admiration à leur sœur. Ne pas le dire, c’eût été frustrer Arpalice de ce redoublement d’amour qui lui était dû, comme la récompense de sa grande action, mais ces sortes de tragédies doivent se jouer dans le plus profond mystère de la conscience, et n’avoir pour spectateur que Dieu. Au reste, ajouta-t-il, mes nièces sont restées unies par une invincible tendresse. Le presbytère n’a rien perdu de sa propreté, ni le jardin de son éclat. Arpalice est