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lettres à marcie

qu’elle demeurait, par la fente des rideaux de la tendina. Il en devint amoureux, et tout ce qu’il apprit d’elle et de son entourage le captiva si fort, qu’il la demanda en mariage, avec l’agrément de lady C***, laquelle, voyant dépérir son fils aîné, et craignant d’éloigner par sa rigueur le second, fit le sacrifice de ses préjugés aristocratiques et donna son consentement. Grande fut la surprise dans la maison anglaise quand le curé, après avoir consulté sa nièce, remercia poliment et refusa net pour elle l’offre d’un nom illustre, d’une immense fortune, et, ce qui était plus digne de considération, d’un amour honorable. Le jeune lord crut que la fierté du presbytère avait été blessée par la précipitation de sa démarche ; il montra tant de douleur, que lady C*** se décida à aller en personne trouver Arpalice, et lui demanda avec instance de devenir sa bru. La beauté, le grand sens et la grâce de cette jeune personne la frappèrent tellement, qu’elle partagea presque le chagrin de son fils en la trouvant inébranlable dans sa résolution. Le jeune C*** tomba malade, et, au même temps, son frère aîné mourut. Le séjour de la famille anglaise se prolongea dans la petite ville. Le curé alla trouver lady C***, lui offrit de délicates consolations, s’enquit avec intérêt de la santé du jeune lord, et s’efforça, par les soins les plus empressés, d’adoucir leur triste situation. À peine rétabli, lord C***, qui avait fait mettre son lit auprès de la fenêtre, afin d’apercevoir de temps en temps Arpalice, se glissa le long du jardin du presbytère, cacha des billets doux dans les fleurs qu’Arpalice venait cueillir, lui en fit parvenir d’autres, la suivit à l’église, et enfin il lui fit une cour assidue, mystérieuse et romanesque, dont elle n’avait