Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/185

Cette page a été validée par deux contributeurs.
175
lettres à marcie

loin d’eux votre vie était un supplice. Qu’alliez-vous faire parmi eux ?

Et voilà qu’au lieu de les faire mentir, au lieu de sourire de leur vanité, vous leur donnez raison en détestant la retraite à laquelle vous devez pourtant ce que vous avez de meilleur. Vous rapportez du dehors les désordres des pensées, le scepticisme de l’esprit, vous les laissez pénétrer dans l’asile dont ces enfants du néant n’auraient pas dû franchir le seuil.

Vous dites que la foi est éteinte, que le genre humain dénie, que les sectes nouvelles ont peut-être raison, que l’amour n’est qu’une chimère, la fidélité qu’un joug ; vous demandez à quoi sert la vertu, si le monde en profite, si Dieu la récompense ! Vous pleurez avec les enfants de la terre sur les autels des dieux renversés dans la fange. Pénétrée de douleur, vous vous écriez : « Comment n’être pas entraînée dans l’orage ? comment rester debout sous tant de ruines qui ne s’arrêtent pas de crouler ! »

Étendez les bras, Marcie ; étendez vos bras vers le ciel, et vos bras porteront les ruines du monde, et vous ne serez point écrasée. Essayez ce que peut la foi contre les éléments conjurés, contre la colère céleste elle-même. Souvenez-vous de l’arche de Noé au milieu du déluge, admirable figure de la lutte que soutiennent aujourd’hui les derniers croyants sous la nuée qui s’épanche au sein des abîmes qui s’entr’ouvrent !

Oh ! nous ne savons pas ce que peut l’espérance, car nous n’essayons plus ce que peut la prière. Moi qui vous parle, j’ai plus de mal que vous ; mais je ne voudrais pas périr sans résister jusqu’au bout ; je ne voudrais pas me laisser balayer avec les feuilles sè-