Page:Sand - Les Sept Cordes de la lyre.djvu/18

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
les sept cordes de la lyre

plus, et ce corps sans âme n’est plus qu’un meuble inutile.

wilhelm. Ceci peut s’appliquer à vous et à moi, mon cher maître. Vous avez trop joué sur les cordes d’or de la lyre ; et, pendant que vous vous enfermiez dans votre thème favori, les cordes d’airain se sont brisées. Pour moi, ce sera le contraire. Je brise volontairement les cordes célestes que vous avez touchées, afin de jouer avec une ivresse impétueuse sur les cordes passionnées que vous méprisez trop.

albertus. Et tous deux nous sommes inhabiles, incomplets, aveugles. Il faudrait savoir jouer des deux mains et sur tous les modes…

wilhelm, sans l’écouter. Maître Albertus, vous avez tant d’empire sur l’esprit d’Hélène ! Voulez-vous vous charger de lui renouveler mes instances, afin qu’elle m’accepte pour mari ?

albertus. Mon enfant, je m’y emploierai de tout mon cœur et de tout mon pouvoir, car je suis persuadé qu’elle ne pourrait faire un meilleur choix.

wilhelm. Soyez béni, et que le ciel couronne vos efforts ! Bonsoir, mon bon maître. Pardonnez-moi d’être si peu philosophe. Oubliez le disciple ingrat qui vous abandonne, mais souvenez-vous de l’ami dévoué qui vous reste à jamais fidèle.


Scène II. — ALBERTUS, seul.

Ô sublime philosophie ! c’est ainsi qu’on déserte tes autels ! Avec quelle facilité on te délaisse pour la première passion qui s’empare des sens ! Ton empire est donc bien nul, et ton ascendant bien dérisoire ? —