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les sept cordes de la lyre

sous ma main, une flamme descendra-t-elle d’en haut pour illuminer mon front et me révéler cette langue de l’infini qu’Hélène parle et que je comprends à peine ? Oui, sans doute, poète et musicien, investi de cette magie sans laquelle le monde est froid et sombre, je saurai me faire aimer… Je ne serai plus le triste philosophe dont l’aspect n’inspire que la crainte et la parole que l’ennui ! Maussade enveloppe, disgracieuse gravité, je vais te dépouiller comme un vêtement d’hiver aux rayons du printemps… Oh ! je suis vaincu ! L’espérance d’être heureux m’a rendu l’espérance d’être bon ! Oui, je saurai aimer avec justice, avec douceur, avec confiance, car je saurai que je puis être aimé de même ; et mes amis seront heureux de mon bonheur, car je leur en parlerai naïvement, et ils verront que mon âme est sincère dans la joie comme dans la souffrance.




Scène II. — HÉLÈNE, ALBERTUS, MÉPHISTOPHÉLÈS, invisible.


méphistophélès, à part. Oui ! oui ! compte sur eux, compte sur elle, compte sur toi-même ! c’est là que je t’attends ! Il me semble que, malgré ses forfanteries, l’Esprit de la lyre va enfin être chassé d’ici. Alors, Hélène me revient de droit, et nous verrons comment M. le philosophe prendra l’amour conjugal avec la veuve d’un ange devenue maîtresse du diable.

albertus, regardant Hélène qui s’est assise avec préoccupation sur le bord de la fenêtre, sans faire attention à lui. Comme elle est pâle et triste ! Ah ! son dernier chant l’a brisée ! (s’approchant d’elle.) Hélène ! êtes-vous plus malade, mon enfant ? — Elle ne m’entend pas, ou ne veut pas me répondre.