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les sept cordes de la lyre

j’entends la masse immense des pharisiens qui se lève lentement en disant d’un air sombre : « Qu’il périsse ! » et je vois les puissances de la terre qui se parfument les mains en disant, le sourire sur les lèvres : « Qu’il périsse !… »

Albertus. Le rhythme est lugubre et la mélodie déchirante ! Voyez comme Hélène souffre, comme son visage est pâle et comme ses bras se tordent avec désespoir autour de la lyre ! Ô malheureuse prêtresse ! J’ai voulu être initié par toi à la poésie de la civilisation. Pythonisse enchaînée au trépied, tu expies dans les tortures ma coupable curiosité ! Ô Hélène ! cesse tes chants, reviens vers nous !…

Wilhelm. Maître, Hanz nous fait signe de ne pas l’appeler. Ravie dans une douloureuse extase, elle oublie que nous l’écoutons. Craignez qu’elle ne s’éveille et que le vertige ne la surprenne.

L’esprit de la lyre. Fille des hommes, pourquoi te désespérer ainsi ? As-tu donc oublié la Providence ? N’est-ce pas elle qui permet ces choses pour amener, par une dure expérience et une lente expiation, tous les hommes à la connaissance de la vérité et à l’amour de la justice ? Regarde ! il est déjà des hommes pieux et des cœurs vraiment purs. Le crime des uns ne fait-il pas la vertu des autres ? L’iniquité des tyrans ne fait-elle pas ressortir la patience ou l’audace des opprimés ? Vois ! que de dévouements sublimes, que d’efforts courageux, que de résignations évangéliques ! Vois ces mains fermes et patientes qui s’arment pour la délivrance, tandis que, pour les encourager, les captifs étouffent leurs sanglots derrière les barreaux de la prison ! Vois ces amis qui s’embrassent ; comprends-tu la dernière