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les sept cordes de la lyre

ce sens l’aliment inépuisable d’une création sublime à contempler.

hélène. Oui, la contemplation est la plus grande jouissance de l’homme ! et je te salue, je t’admire et je t’aime, ô terre, œuvre magnifique de la Providence ! Aime-moi aussi, ô ma mère féconde ! aime tous tes enfants ; pardonne-leur l’ennui qui les ronge et l’impatience de te quitter qui les dévore. Tes enfants sont tristes, ô mère patiente ! Tu les combles de tes dons, et ils en abusent ; tu leur crées mille délices, et ils les méprisent. Tu les engendres et tu les nourris de ton sein ; mais leur unique plainte est celle-ci : « Ô mère impitoyable, tu m’as donné la vie, et je te demandais le repos. Maintenant, à peine ai-je joui de la vie, et tu ouvres ton sein avide pour m’y replonger dans un affreux sommeil. Ô marâtre, puisque tu m’as fait vivre, pourquoi veux-tu me faire mourir ? »

l’esprit. Écoutez ! rien ne meurt, tout se transforme et se renouvelle ; et, quand même la pensée ne remonterait pas vers ces hauteurs sublimes d’où tu la crois émanée, il y aurait encore pour toi des rêves délicieux au delà de la tombe. Quand même ton essence enchaînée pour jamais à celle de la terre se mêlerait à ses éléments, il y aurait encore une destinée pour toi. Qu’oserais-tu mépriser dans la nature, ô fille de la lyre ? Si tu comprends la beauté de tous les êtres qui la remplissent, quelle transformation peut t’effrayer ou te déplaire ? N’as-tu jamais envié les ailes soyeuses de l’hespérie ou le plumage du cygne ? Quoi de plus beau que la rose ? quoi de plus pur que les lis ? N’est-ce rien que la vie d’une fleur ? Celle de l’homme est-elle aussi douce, aussi résignée, aussi touchante ? Y a-t-il une seule grâce oubliée ou perdue