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les sept cordes de la lyre

prairies. Nous franchirons les torrents en nous jouant dans le prisme écumant des cataractes ; nous mouillerons nos robes argentées à la crête des vagues du lac, et nous courrons sur le sable fin des rivages sans y laisser l’empreinte de nos pas. Nous nous suspendrons aux branches des saules, et je sèmerai tes blondes tresses des insectes d’azur, vivants saphirs que distillent leurs rameaux éplorés. Je te ferai une couronne de fleurs d’iris et de lotus. Nous les irons chercher sur ces roches glissantes que les pieds de l’homme n’ont jamais touchées, au milieu de ces abîmes tournoyants d’où les barques s’éloignent avec effroi. Et puis nous traverserons les jeunes blés, et nous marcherons sur leurs têtes blondes sans les courber ; nous gravirons les collines, plus rapides que l’élan et le chamois ; nous franchirons ces grandes bruyères où le francolin et le lagopède cachent leurs nids dans des retraites inaccessibles ; nous voltigerons, comme les grands aigles, sur ces pics de marbre où l’arc et la fronde ne peuvent les atteindre ; nous les dépasserons ; nous irons nous asseoir sur ces aiguilles de glace où l’hirondelle même n’ose poser ses pieds délicats, et, de là, nous verrons scintiller les étoiles dans une atmosphère plus pure, et nous embrasserons d’un coup d’œil l’immensité des constellations célestes. Et alors, abaissant les regards sur cette terre si belle, d’où montent sans cesse de si touchantes harmonies, et les reportant sur le firmament, qui lui répond par des chants d’espérance si faibles mais si doux, tu sentiras ton âme se fondre et tes pleurs couler ; car tu comprendras que, si Dieu a mis des bornes à la connaissance de l’homme, il a donné en revanche à sa pensée le sens du beau, et à