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les sept cordes de la lyre

voudrais, languissant, t’étreindre dans un immense baiser, et m’endormir sur ton flanc tiède sans savoir dans quel monde je m’éveillerai.

hélène. Oui, la nuit est belle, et la terre est enchantée. Les rayons de la lune la caressent doucement, et son chant se marie délicieusement au chant des étoiles. Chante encore, ô belle création d’amour et de douleur ; chante par tes mille voix. Éveillez-vous, créatures embrasées de la soif de l’infini. Esprits terrestres, beaux sphinx aux ailes de pourpre et d’azur, ouvrez vos yeux ardents et plongez-les dans le sein des fleurs enivrées. Allons, datura paresseux, chante l’hymne aux étoiles ; déjà le phalène qui t’aime danse en rond autour de ta corolle endormie. Et toi, pervenche, relève ta tête appesantie, et n’attends pas que la brise te secoue rudement pour chanter avec elle. Commence ton poëme, ô rossignol inspiré ! ne souffre pas que les sanglots de la chouette te devancent. Allons, ruisseau, élance-toi parmi les rochers, et que tes marges fleuries répètent ta fanfare sur tous les tons de la joie, du désir, de l’amour et de l’inquiétude. Ô mon âme, que tu souffres ! Que les étoiles sont loin ! que leur voix est faible ! Ô terre, je t’aime ! Quand mourrai-je, ô mon Dieu ? Ô mon Dieu, où es-tu ? Quand briseras-tu la lyre ? Esprit, esprit de la lyre, quand te verrai-je, quand serons-nous délivrés ?

l’esprit. Fille des hommes, tu ne m’aimes pas. Tu ne songes qu’à Dieu ; tu n’aspires qu’à l’infini. Vois comme la terre est belle, et comme il est doux de vivre sur son sein dans l’oubli de l’avenir, dans la contemplation du présent, dans les voluptés de la paresse, dans les larmes de l’amour. Aime, aime ce