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les sept cordes de la lyre

de coutume ? On dirait qu’elle fait un grand effort intérieur pour reprendre à la vie réelle.

albertus. J’ai essayé hier de calmer son esprit en l’élevant vers la pensée de Dieu. Elle m’a écouté attentivement, et ses regards, ses courtes réponses, me prouvaient que j’étais compris. Mais, quand j’ai eu fini de parler, elle m’a dit : « Je savais tout cela ; vous eussiez pu l’exprimer d’un mot. »

hanz. Et quel était ce mot ? Vous l’a-t-elle dit ?

albertus. Amour.

wilhelm. Ô maître ! Hélène n’est point folle ! Elle est inspirée.

albertus. Oui, elle est poëte ; c’est une sorte de folie, folie sublime, et que je voudrais avoir un instant, pour connaître, et pour savoir au juste où finit l’inspiration et où commence la maladie.

hanz. Mon bon maître, nos longues discussions à ce sujet n’ont donc rien modifié à vos idées ?… Vous m’aviez pourtant promis d’y réfléchir sérieusement.

albertus. J’y ai réfléchi ; mais, avant tout, il faudrait comprendre la musique. J’observe Hélène, j’écoute la lyre. Je cherche à me rendre compte des impressions que j’en reçois. Elles me paraissent si différentes des vôtres, que je n’ose rien décider. J’essaye de saisir le sens de ces mélodies suivantes ; mais j’avoue que je n’ai rien compris jusqu’ici qui m’éclairât suffisamment.

hanz. Quoi ! maître, rien senti non plus ?

albertus. J’ai senti une émotion étrange, mais que je ne pouvais pas plus analyser et définir que la musique qui l’avait causée. hanz. Ne vous semblait-il pas que cette musique