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les fit adjuger, encore qu’il eût l’intention de n’en point jouir.

Je fus un peu plus malade que je ne croyais, non tant à cause de ma blessure, qui n’était pas bien grande, ni des coups dont on m’avait assommé le corps, que de la saignée trop forte que le carme m’avait faite à bonne intention. Huriel et Brulette eurent l’amitié bien charmante de vouloir retarder leur mariage, à seules fins d’attendre le mien ; et un mois après, les deux noces se firent ensemble, mêmement les trois, car Benoît voulut rendre le sien public et en célébrer la fête avec la nôtre. Ce brave homme, heureux d’avoir un héritier si bien élevé par Brulette, essaya de lui faire accepter un don de conséquence ; mais elle le refusa obstinément, et se jetant aux bras de la Mariton :

— Ne vous souvient-il donc plus, s’écria-t-elle, que cette femme-là m’a servi de mère pendant une douzaine d’années, et croyez-vous que je puisse accepter de l’argent quand je ne suis pas encore quitte envers elle ?

— Oui, dit la Mariton ; mais ton éducation a été tout honneur et tout plaisir pour moi, tandis que celle de mon Charlot t’a causé des affronts et des peines.

— Ma chère amie, répondit Brulette, ceci est la chose qui remet un peu d’égalité dans nos comptes. J’aurais souhaité pouvoir faire le bonheur de votre Joset en retour de vos bontés pour moi ; mais cela n’a pas dépendu de mon pauvre cœur, et dès lors, pour vous compenser de la peine que je lui causais, je devais bien m’exposer à souffrir pour l’amour de votre autre enfant.

— Voilà une fille !… s’écria Benoît, essuyant ses gros yeux ronds qui n’étaient point sujets aux larmes. Oui, oui, voilà une fille !… Et il n’en pouvait dire davantage.

Pour se venger des refus de Brulette, il voulut faire les frais de sa noce, et celle de la mienne par-dessus le