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tombée dans la bagarre, il s’en servit aussi bien qu’homme peut faire pour défendre sa peau.

Par malheur, Joseph était affaibli de la perte de son sang, et Huriel, qui avait toujours dans le cœur la mort de Malzac, craignait plus de faire du mal que d’en recevoir. Tout occupé de protéger son père, qui y allait comme un lion, il se mettait en grand danger. Benoît s’escrimait très-bien pour un homme qui sort de maladie ; mais, en somme, nous n’étions que six contre quinze ou seize, et, comme le sang commençait à se montrer, la rage venait, et je vis qu’on ouvrait les couteaux. Je n’eus que le temps de me jeter devant le grand bûcheux qui, répugnant encore à tirer l’arme tranchante, était l’objet de la plus grosse rancune. Je reçus un coup dans le bras, que je ne sentis quasiment point, mais qui me gêna pourtant bien pour continuer, et je voyais la partie perdue, quand, par bonheur, mes quatre camarades, se décidant à venir au bruit, nous apportèrent un renfort suffisant, et mirent en fuite, pour la seconde fois, et pour la dernière, nos ennemis épuisés, pris par derrière, et ne sachant point si ce serait le tout.

Je vis que la victoire nous restait, qu’aucun de mes amis n’avait grand mal, et m’apercevant tout d’un coup que j’en avais trop reçu pour un homme tout seul, je tombai comme un sac, et ne connus ni ne sentis plus aucune chose de ce monde.




TRENTE-DEUXIÈME VEILLÉE


Quand je me réveillai, je me vis couché dans un même lit avec Joseph ; et il me fallut un peu de peine pour réclamer mes esprits. Enfin, je connus que j’étais en la propre chambre de Benoît, que le lit était bon, les draps bien blancs, et que j’avais au bras la ligature