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semble que ces coquins méritaient qu’on leur donnât une bonne leçon, pour leur apprendre à se moquer du diable, dont ils ont plus de peur que ceux à qui ils le font voir.

— J’en étais bien sûr, moi, disait Benoît, qu’en voyant notre comédie, ils trembleraient au beau milieu de la leur.

Mais alors, avisant le sang et les blessures de Joseph, il s’inquiéta de lui et lui montra tant d’intérêt, que cela, joint au secours qu’il lui apportait, me prouva son amitié pour lui et son bon cœur, dont j’avais douté.

Tandis que nous nous assurions que Joseph n’avait pas de mal trop profond, le carme nous racontait comme quoi le sommelier du château lui avait dit avoir coutume de permettre aux sonneurs et autres joyeuses confréries de faire leurs cérémonies dans les souterrains. Ceux où nous étions se trouvaient assez distants des bâtiments habités par la demoiselle dame de Saint-Chartier, pour qu’elle n’entendît pas le bruit, et, dans tous les cas, elle n’eût fait qu’en rire, car on n’imaginait point qu’il s’y pût mêler de la méchanceté ; mais Benoît, qui se doutait de quelque mauvais dessein, avait demandé au même sommelier un déguisement et les clefs des souterrains, et c’est ainsi qu’il se trouvait là si à point pour écarter le danger.

— Eh bien, lui dit le grand bûcheux, merci pour votre assistance ; mais je regrette que l’idée vous en soit venue, car ces gens sont capables de m’accuser de l’avoir réclamée, et, par là, d’avoir trahi les secrets de mon métier. Si vous m’en croyez, nous partirons sans bruit, et leur laisserons croire qu’ils ont vu des fantômes.

— D’autant plus, dit Benoît, que leur rancune pourrait me retirer leur consommation, qui n’est pas peu de chose. Pourvu qu’ils n’aient point reconnu Tiennet ? Et comment diable, à propos, Tiennet se trouve-t-il là ?