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bras d’Huriel, montra qu’il avait la poitrine ensanglantée et sa chemise déchirée. J’en serai malgré vous ! J’entends que la bataille recommence, et il faudra que l’un de nous reste ici.

— Et moi, je m’y oppose, dit le grand bûcheux, et j’ordonne que ce jeune homme soit déclaré vainqueur, ou bien je jure d’amener dans ce pays une bande de sonneurs, qui feront connaître la manière de se comporter, et y rétabliront la justice.

— Vous ? dit Fratin, en tirant une manière d’épieu de la ceinture. Vous pourrez le faire, mais non pas sans porter de nos marques, à seules fins qu’on puisse donner foi à vos rapports.

Le grand bûcheux et Huriel se mirent en défense. Joseph se jeta sur Fratin pour lui arracher son épieu, et je ne fis qu’un saut pour les joindre ; mais, devant qu’on eût pu échanger des coups, la figure qui m’avait tant troublé se montra sur le seuil de l’oubliette ; étendit sa pique et s’avança d’un pas qui suffit pour donner la frayeur aux malintentionnés. Et, comme on s’arrêtait, morfondu de crainte et d’étonnement, on entendit une voix plaintive, qui récitait la prose des morts dans le fond de l’oubliette.

C’en fut assez pour démonter la confrérie, et l’un des sonneurs s’étant écrié : « Les morts ! les morts qui se lèvent ! » tous prirent la fuite, pêle-mêle, criant et se poussant, par toutes les issues, sauf celle de l’oubliette, où apparaissait une autre figure couverte d’un suaire, toujours psalmodiant de la manière la plus lamentable qui se puisse imaginer. Si bien qu’en une minute, nous nous trouvâmes sans ennemis, le guerrier ayant jeté son casque et son masque, et nous montrant la figure réjouie de Benoît, tandis que le carme, déroulant son suaire, se tenait les côtes à force de rire.

— Que le bon Dieu me pardonne la mascarade ! disait-il ; mais je l’ai faite à bonne intention, et il me