Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/422

Cette page n’a pas encore été corrigée

moi, c’est-à-dire le temps de suivre la ruelle qui longe le cimetière, et de déboucher dans la campagne, par la poterne de la tour des Anglais, à moins qu’ils ne fissent choix de s’arrêter en ce lieu, ce qui n’était guère commode, car le sentier, serré à droite par le fossé du château, et de l’autre côté par le talus du cimetière, ne pouvait laisser passer qu’une personne à la fois.

Quand je jugeai qu’ils devaient avoir gagné la poterne, je tournai l’angle du château par une arcade qui, dans ce temps-là, donnait passage aux piétons sous une galerie servant aux seigneurs pour se rendre à l’église paroissiale.

Je me trouvai seul dans cette ruelle, où, passé soleil couché, aucun chrétien ne se risquait jamais, tant pour ce qu’elle côtoyait le cimetière, que parce que le flanc nord du château était mal renommé. On parlait de je ne sais combien de personnes noyées dans le fossé du temps de la guerre des Anglais, et mêmement on jurait d’y avoir entendu siffler la cocadrille dans les temps d’épidémie.

Vous savez que la cocadrille est une manière de lézard qui paraît tantôt réduit pas plus gros que le petit doigt, tantôt gonflé, par le corps, à la taille d’un bœuf et long de cinq à six aunes. Cette bête, que je n’ai jamais vue, et dont je ne vous garantis point l’existence, est réputée vomir un venin qui empoisonne l’air et amène la peste.

Encore que je n’y crusse pas beaucoup, je ne m’amusai point dans ce passage, où le grand mur du château et les gros arbres du cimetière ne laissaient guère percer la clarté du ciel. Je marchai vite, sans trop regarder à droite ni à gauche, et sortis par la poterne des Anglais, dont il ne reste pas aujourd’hui pierre sur pierre.

Mais là, malgré que la nuit fût belle et la lune levée, je ne vis, ni auprès ni au loin, trace des dix-huit personnes que je suivais. Je questionnai tous les alentours,