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et toute l’assemblée des sonneurs rentra en silence. Le père Carnat réclama l’attention de la compagnie, et, d’un air joyeux et décidé qui étonna bien tout le monde, il dit :

— François Carnat, mon fils, après examen de vos talents et discussion de vos droits, vous avez été déclaré trop novice pour recevoir la maîtrise. On vous engage donc à étudier encore un bout de temps sans vous dégoûter, à seules fins de vous représenter plus tard au concours qui vous sera peut-être plus favorable. Et vous, Joseph Picot, du bourg de Nohant, le conseil des maîtres sonneurs du pays vous fait assavoir que, par vos talents sans pareils, vous êtes reçu maître sonneur de première classe, sans exception d’une seule voix.

— Allons ! répondit Joseph, qui resta comme indifférent à cette belle victoire et à l’approbation qui y fut donnée par tous les assistants, puisque la chose a tourné ainsi, je l’accepte, encore que, n’y comptant point, je n’y tinsse guère.

La hauteur de Joseph ne fut approuvée de personne, et le père Carnat se dépêcha de dire, d’un air où je trouvai beaucoup de malice déguisée : — Il paraîtrait, Joseph, que vous souhaitez vous en tenir à l’honneur et au titre, et que votre intention n’est pas de prendre rang parmi les ménétriers du pays ?

— Je n’en sais rien encore, répondit Joseph, par bravade assurément, et pour ne pas contenter trop vite ses juges : j’y donnerai réflexion.

— Je crois, dit le jeune Carnat à son père, que toutes ses réflexions sont faites, et qu’il n’aura pas le courage d’aller plus avant.

— Le courage ? dit vivement Joseph : et quel courage faut-il, s’il vous plaît ?

Alors le doyen des sonneurs, qui était le vieux Paillou, de Verneuil, dit à Joseph :

— Vous n’êtes pas sans savoir, jeune homme, qu’il