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leurs intérêts et à leurs accointances. Tout ce que je souhaitais, c’était de me faire entendre et juger devant ma mère et mes amis, par les oreilles saines et les gens raisonnables. À présent, je me moque bien de vos beugleurs de musette criarde ! Je crois, Dieu me pardonne, que je serais plus fier de leur refus que de leur agrément.

Le carme observa doucement à Joseph qu’il ne parlait pas d’une manière sage. — Il ne faut point récuser les juges qu’on a demandés librement, lui dit-il, et l’orgueil gâte toujours le plus beau mérite..

— Laissez-lui son orgueil, reprit Carnat. Je ne suis point jaloux de celui qu’il peut montrer. Il lui faut bien un peu de talent pour se consoler de ses autres disgrâces, car c’est de lui qu’on peut dire : Beau joueur, bien joué.

— Qu’est-ce que vous entendez par là ? dit Joseph en posant son verre et le regardant entre les yeux.

— Je n’ai pas besoin de le dire, répondit l’autre. Tout le monde ici l’entend de reste.

— Mais je ne l’entends point, moi ; et comme c’est à moi que vous parlez, je vous citerai comme lâche si vous craignez de vous expliquer.

— Oh ! je peux bien te dire en face, reprit Carnat, une chose qui n’est point faite pour t’offenser ; car il n’y a peut-être pas plus de ta faute à être malheureux en amour, qu’il n’y en a eu de la mienne à être malheureux, ce soir, en musique.

— Allons, allons ! dit un des jeunes gens qui se trouvaient là, laissons la Josette tranquille. Elle a trouvé un épouseux, ça ne regarde plus personne.

— Et m’est avis, ajouta un autre, que ce n’est point Joseph qui est joué dans cette histoire-là, mais bien celui qui va endosser son ouvrage.

— De qui parlez-vous ? s’écria Joseph, comme pris de vertige. Qui appelez-vous Josette ? et quel méchant badinage prétendez-vous me faire ?