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ce qu’il pouvait et voulait dire, et, content de m’avoir tiré les larmes des yeux avec ses inventions, il s’en va plus tranquille.

— Vous ne l’avez pas pu garder à déjeuner, pas moins ! dit Thérence en souriant.

— Non, répondit le père. Il a trop bien sonné pour n’être pas consolé aux trois quarts, et il a mieux aimé partir là-dessus, que sur quelque sottise qu’il aurait pu dire à table.




VINGT-HUITIÈME VEILLÉE


Quand nous fûmes au repas, nous nous sentions tous soulagés de l’appréhension de la veille, par rapport à la fâcherie d’Huriel et de Joseph, et, comme Thérence montrait bien, soit en sa présence, soit en son absence, qu’elle n’avait pour lui aucun ressentiment, bon ou mauvais du passé, je me trouvais, ainsi qu’Huriel et le grand bûcheux, en idées riantes et tranquilles. Charlot, se voyant choyé et caressé de tout le monde, commençait à oublier l’homme qui l’avait épeuré et meurtri. De temps en temps, il se retournait encore au moindre bruit, et Thérence le consolait en riant et en lui disant qu’il était parti et ne reviendrait plus. Nous étions là comme une seule famille, et, tout en servant Thérence avec un grand respect, je me disais que j’aurais le vouloir moins impérieux et plus patient avec mes amours que Joseph avec les siennes.

Brulette seule demeurait soucieuse et accablée, comme si elle eût reçu dans le cœur un mauvais coup. Huriel s’en inquiétait ; le grand bûcheux, qui connaissait bien l’âme humaine dans tous ses plis, et qui était si bon que sa figure et sa parole mettaient du miel dans toutes les amertumes, lui prit ses petites mains, et attirant sa jolie tête sur son cœur, lui dit, à la fin du repas :