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tiennes point. Reste déjeuner avec nous, et parlons d’autre chose ; ce qui a été dit est oublié.

Joseph ne dit mot, mais il ôta son chapeau et posa son bâton, comme décidé à rester. Les deux jeunes filles rentrèrent en la maison pour apprêter le repas, et Huriel, qui avait grand soin de son cheval, se mit à l’étriller et à le panser. Je m’occupai de Charlot que Brulette m’avait confié ; et le grand bûcheux, voulant distraire Joseph, lui parla musique et loua beaucoup l’arrangement qu’il avait donné à sa chanson.

— Ne me parlez plus de cette chanson-là, lui dit Joseph. Elle ne me rappellerait que des peines, et je la veux oublier.

— Eh bien, dit le grand bûcheux, joue-moi quelque autre chose de ton invention, et là, tout de suite, comme l’idée t’en viendra.

Joseph s’éloigna avec lui dans le parc, et nous l’entendîmes sonner des airs si tristes et si plaintifs, qu’il semblait d’une âme prosternée dans le repentir et la contrition.

— L’entends-tu ? dis-je à Brulette. Voilà sa manière de se confesser, sans doute, et si le chagrin est une réparation, il te la donne de son mieux.

— Je ne crois pas à un bien tendre cœur sous une si rude fierté, répondit Brulette ; je suis, à présent, comme Thérence : un peu de tendresse m’attire plus qu’un beau savoir ; mais j’ai pardonné, et si ma pitié n’est pas aussi grande que Joseph la réclame en son langage, c’est parce que je lui connais une consolation dont mon oubli ne le privera point : c’est l’estime que les autres et lui-même feront de ses talents. Si Joseph n’y tenait pas plus qu’à l’amitié, il n’aurait pas la langue muette et l’œil sec devant les reproches de l’amitié. On ne sait bien demander que ce dont on a grand besoin.

— Eh bien, dit le grand bûcheux, revenant seul du parc, l’avez-vous écouté, mes enfants ? Il a dit tout