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plus à l’aide des autres. C’était de la pitié ; je n’en ai plus besoin, et ne veux plus compter que sur moi-même. Merci de tes bonnes intentions. Adieu. Laisse-moi.

— Mais où vas-tu passer la nuit ?

— Je vas voir ma mère.

— Il est bien tard, et il y a loin d’ici à Saint-Chartier.

— N’importe ! dit-il en se levant. Je ne saurais rester en place. Nous nous reverrons demain, Tiennet.

— Oui, chez nous, car c’est demain que nous y retournons.

— Ça m’est égal, dit-il encore. Où elle sera, je saurai bien la retrouver, votre Brulette, et elle n’a peut-être pas encore dit son dernier mot !

Il s’en alla d’un air très-résolu, et, voyant que sa fierté le soutenait, je renonçai à le tranquilliser. Je comptai que la fatigue, le plaisir de voir sa mère et une ou deux journées de réflexion le ramèneraient à la raison. Je projetai donc de conseiller à Brulette de rester au Chassin jusqu’au surlendemain, et, revenant vers ce village, je trouvai, dans le coin d’un pré que je traversais pour m’abréger le retour, le grand bûcheux et son fils qui faisaient, comme ils disaient, leur couverture : ce qui signifiait qu’ils s’arrangeaient pour dormir dans l’herbe, ne voulant pas déranger les deux fillettes au vieux château, et se faisant un plaisir de reposer à la franche étoile en cette douce saison de printemps.

Leur idée me sembla bonne, et le gazon frais meilleur que le foin échauffé, en quelque grenier, par une trentaine de camarades. Je m’étendis donc à leurs côtés, et, regardant les petits nuages blancs dans le ciel clair, respirant l’aubépine, et songeant à Thérence, je m’endormis du meilleur somme que j’eusse jamais fait.

J’ai toujours été franc dormeur et m’en suis rarement tiré de moi-même dans ma jeunesse. Mes deux camarades de lit, ayant beaucoup marché pour venir au Chassin, laissèrent aussi lever le soleil, et s’éveillèrent