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répondit Huriel, soyez donc juste ! Un mois, pendant lequel vous avez, par trois fois, demandé ma sœur. Je devais donc penser que vous en faisiez une dérision, et, pour vous justifier d’une pareille insulte auprès de moi, il faut que vous me blanchissiez de tout blâme. J’ai cru à votre parole, voilà tout mon tort : ne me donnez point à croire que c’en soit un dont je me doive repentir.

Joseph garda le silence ; puis, se levant : — Oui, vous avez raison dans le raisonnement, dit-il. Vous y êtes tous deux plus forts que moi, et j’ai parlé et agi comme un homme qui ne sait pas bien ce qu’il veut ; mais vous êtes plus fous que moi si vous ne savez pas que, sans être fou, on peut vouloir deux choses contraires. Laissez-moi pour ce que je suis, et je vous laisserai pour ce que vous voudrez être. Si vous êtes un cœur franc, Huriel, je le connaîtrai bientôt, et, si vous gagnez la partie de bon jeu, je vous rendrai justice et me retirerai sans rancune.

— À quoi connaîtrez-vous mon cœur franc, si vous n’avez pas encore été capable de le juger et de m’en tenir compte ?

— À ce que vous direz de moi à Brulette, répondit Joseph. Il vous est commode de l’indisposer contre moi, et je ne peux pas vous rendre la pareille.

— Attends ! dis-je à Joseph. N’accuse personne injustement. Thérence a déjà dit à Brulette que tu l’avais demandée en mariage il n’y a pas quinze jours.

— Mais il n’a pas été dit et il ne sera pas dit autre chose, ajouta Huriel. Joseph, nous sommes meilleurs que tu ne crois. Nous ne voulons pas t’ôter l’amitié de Brulette.

Cette parole toucha Joseph, et il avança la main comme pour prendre celle d’Huriel ; mais son bon mouvement demeura en route, et il s’en alla, sans dire un mot de plus à personne.