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Mais ma tante, qui s’était vantée de nous héberger, n’avait pas compté qu’elle prendrait fantaisie de se coucher avant les trois ou quatre heures du matin. Les garçons ne se couchent même point du tout la première nuit des noces, et font de leur mieux pour que la danse ne périsse point trois jours et trois nuits durant. Si l’un d’eux se sent trop fatigué, il s’en va au foin faire un somme. Quant aux filles et femmes, elles se retirent toutes en une même chambre ; mais ce ne sont guère que les vieilles et les laides qui lâchent ainsi la compagnie.

Aussi, quand Brulette monta en la chambre où elle comptait trouver place auprès de quelque parente, elle tomba dans toute une ronflerie qui ne lui donna pas seulement un coin grand comme la main, et celles qu’elle réveilla lui dirent de revenir au jour, quand elles iraient reprendre le service de la table. Elle redescendit pour nous dire son embarras, car elle s’y était prise trop tard pour s’arranger avec les voisines, il n’y avait pas seulement une chaise en une chambre fermée, où elle pût passer la nuit.

— Alors, dit le grand bûcheux, il faut vous en aller dormir avec Thérence. Mon garçon et moi passerons le temps ici et personne n’y pourra trouver à redire.

J’avisai que, pour ôter tout prétexte à la jalousie de Joseph, il était aisé à Brulette de s’échapper avec moi sans rien dire, et le grand bûcheux allant à lui et l’occupant par ses questions, j’emmenai ma cousine au vieux château, en sortant par le jardin de ma tante.

Quand je revins, je trouvai le grand bûcheux, Joseph et Huriel attablés ensemble. Ils m’appelèrent, et je me mis à souper avec eux, me prêtant à manger, boire, causer et chanter pour éviter l’éclat du dépit qui aurait pu s’amasser dans les discours dont Brulette aurait été le sujet. Joseph, nous voyant ligués pour le forcer à faire bonne contenance, se posséda très-bien d’abord, et montra même de la gaieté ; mais, malgré lui, il