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a rien là d’étonnant. On sait comment on se quitte et non comment on se retrouvera. Ne sois donc pas surpris si tu trouves en moi aussi un petit changement. J’ai toujours été doux et patient, te soutenant en toute rencontre et te consolant dans les ennuis ; mais si tu es devenu plus injuste que par le passé, je suis devenu plus chatouilleux, et je trouve mauvais que tu dises devant moi à ma cousine qu’elle est prodigue de baisers et qu’elle souffre trop de gens autour d’elle.

Joseph me regarda d’un œil méprisant, et prit véritablement un air de diable emmalicé pour me rire à la figure. Et puis il dit, en croisant ses bras, et me toisant comme s’il eût voulu prendre ma mesure :

— Ah vraiment, Tiennet ? C’est donc toi ? Eh bien, je m’en étais toujours douté, à l’amitié que tu me marquais pour m’endormir.

— Qu’est-ce que vous entendez par là, Joset ? dit Brulette offensée, et pensant qu’il eût perdu l’esprit. Où avez-vous pris le droit de me blâmer, et comment vous passe-t-il par la tête de chercher à voir quelque chose de mal ou de ridicule entre mon cousin et moi ? Êtes-vous donc pris de vin ou de fièvre, que vous oubliez le respect que vous me devez, et l’attachement que je croyais mériter de vous ?

Joseph fut battu de l’oiseau, et prenant la main de Brulette dans la sienne, il lui dit avec des yeux remplis de larmes :

— J’ai tort, Brulette ; oui, j’ai été un peu secoué par la fatigue et par l’impatience d’arriver ; mais je n’ai pour vous que de l’empressement, et vous ne devez pas le prendre en mauvaise part. Je sais très-bien que vos manières sont retenues et que vous voulez soumission de tout le monde. C’est le droit de votre beauté, qui n’a fait que gagner au lieu de se perdre ; mais convenez que vous aimez toujours le plaisir, et qu’à la danse on s’embrasse beaucoup. C’est la coutume, et je la trouverai bonne quand j’en pourrai profiter à