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répondit : — Non, Joset, je n’ai point coutume d’embrasser aucun garçon, quelque ami ancien qu’il me soit et quelque plaisir que j’aie à le saluer.

— Vous êtes devenue bien farouche ! reprit-il d’un air de moquerie et de colère.

— Je ne sache pas, Joset, dit-elle, avoir jamais été farouche hors de propos avec vous. Vous ne m’avez point mise dans le cas de l’être ; et comme vous ne m’avez jamais demandé de me familiariser avec vous, je n’ai pas eu la peine de me défendre de vos embrassades. Qu’est-ce qu’il y a donc de changé entre nous, pour que vous me réclamiez ce qui n’est jamais entré dans nos amitiés ?

— Voilà bien des paroles et des grimaces pour un baiser ! dit Joseph, se montant peu à peu. Si je ne vous ai jamais réclamé ce dont vous étiez si peu avare avec les autres, c’est que j’étais un enfant très-sot. J’aurais cru que vous me recevriez mieux, à présent que je ne suis plus si niais et si craintif.

— Qu’est-ce qu’il a donc ? me dit Brulette étonnée et mêmement effrayée, en se rapprochant de moi. Est-ce lui, ou quelqu’un qui lui ressemble ? J’ai cru reconnaître notre Joset ; mais, à présent, ce n’est plus ni sa parole, ni sa figure, ni son amitié.

— En quoi vous ai-je manqué, Brulette ? reprit Joseph, un peu démonté et déjà repentant, au souvenir du passé. Est-ce parce que j’ai le courage qui me manquait pour vous dire que vous êtes, pour moi, la plus belle du monde, et que j’ai toujours souhaité vos bonnes grâces ? Il n’y a point là d’offense, et je n’en suis peut-être pas plus indigne que bien d’autres soufferts autour de vous ?

Disant cela avec un retour de dépit, il me regarda en face, et je vis qu’il souhaitait chercher querelle au premier qui s’y voudrait prêter. Je ne demandais pas mieux que d’essuyer son premier feu. — Joseph, lui dis-je, Brulette a raison de te trouver changé. Il n’y