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peine. Et comme il n’était pas, pour cela, assuré du dernier point, je pensai devoir le blâmer, voire me moquer d’un amour comme le sien, qui n’était que jalousie sans estime, et comme qui dirait gourmandise sans appétit.

» Il a confessé que j’y voyais clair ; mais il est parti quand même, et, à cela, tu reconnais son obstination. Au moment de recevoir la maîtrise de son art, et quand le rendez-vous était pris pour un concours du côté d’Ausances, il a tout quitté, sauf à être retardé encore longtemps, disant qu’il se ferait recevoir de gré ou de force, en son pays. Le voyant si bien décidé que, pour un peu, il se serait emporté contre moi, j’ai pris le parti de venir avec lui, craignant quelque chose de mauvais dans son premier mouvement, ou quelque nouveau malheur dans celui d’Huriel. Nous nous sommes départis l’un de l’autre, seulement à une demi-lieue en sus, au bourg de Sarzay ; et tandis qu’il prenait le chemin de Nohant, j’ai pris celui qui m’a amené ici, espérant bien y trouver encore Huriel et pouvoir raisonner avec lui ; et me disant, d’ailleurs, que mes jambes me porteraient bien encore jusqu’à Nohant, ce soir, si besoin était.

— Par bonheur, vous pourrez vous reposer tranquillement cette nuit, dis-je au grand bûcheux ; nous aviserons demain ; mais êtes-vous donc tourmenté pour tout de bon de la rencontre de ces deux galants ? Joseph n’a jamais été querelleux à ma connaissance, et je l’ai toujours vu se taire quand on lui montrait les dents.

— Oui, oui, répondit le père Bastien, tu as vu cela dans le temps qu’il n’était qu’un enfant maladif et défiant de sa force ; mais il n’y a pire eau que celle qui dort, et il n’est pas toujours sain d’en remuer le fond.

— Ne voulez-vous point entrer dans votre nouvelle demeurance et voir votre fille ?

— Tu m’as dit qu’elle était là bien tranquille ; je n’en