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qui n’avait ni vitrage ni boisure, je vis la belle fille des bois disant sa prière, à genoux, auprès de son lit, où Charlot était couché et dormait à pleins yeux.

Je vivrais bien cent ans que je n’oublierais point la figure qu’elle avait dans ce moment-là. C’était comme une image de sainte, aussi tranquille que celles que l’on taille en pierre pour les églises. Je venais de voir Brulette, aussi brillante qu’un soleil d’été, dans la joie de son amour et le vol de sa danse ; Thérence était là, seule et contente, aussi blanche que la lune dans la nuit claire du printemps. On entendait au loin la musique des noceux ; mais cela ne disait rien à l’oreille de la fille des bois, et je pense qu’elle écoutait le rossignol qui lui chantait un plus beau cantique dans le buisson voisin.

Je ne sais point ce qui se fit en moi ; mais voilà que, tout d’un coup, je pensai à Dieu, idée qui ne me venait peut-être pas assez souvent, dans ce temps de jeunesse et d’oubliance où j’étais, mais qui me plia les deux genoux, comme par un secret commandement, et me remplit les yeux de larmes qui tombèrent en pluie, comme si un gros nuage venait de se crever dans ma tête.

Ne me demandez point quelle prière je fis aux bons anges du ciel. Je ne m’entendais pas moi-même. Je n’eusse pas encore osé demander à Dieu de me donner Thérence ; mais je crois bien que je le requis de me rendre mieux méritant pour un si grand honneur.

Quand je me relevai de terre, je vis que Thérence avait fini son oraison et qu’elle s’apprêtait à dormir. Elle avait ôté sa coiffe, et j’appris qu’elle avait des cheveux noirs qui lui tombaient en grosses tresses jusqu’aux pieds ; mais devant qu’elle eût ôté la première épingle de son habillement, vous me croirez si vous voulez, je m’étais déjà sauvé, comme si j’eusse craint d’être en délit de sacrilége. Je n’étais pourtant pas plus sot qu’un autre, et je n’avais point coutume