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eût été la mère qui l’avait mis au monde. Il paraissait comme fou, criait et chantait, buvait et trinquait, et ma petite tante, riant comme une petite crécelle, lui disait en choquant son verre :

— À la santé du père de votre enfant !

C’est ce qui prouve, dit-elle aussitôt en se retournant vers moi, que les plus malins sont quelquefois ceux qu’on croit les plus sots, de même que les plus sots se trouvent être ceux qui se croient bien malins. Tu peux le dire aussi, toi, mon Tiennet, qui as le cœur droit et la parenté fidèle, et je sais que tu t’es conduit avec ta cousine comme si tu lui eusses été frère. Tu mérites, d’en être récompensé, et je compte que le bon Dieu ne te fera pas banqueroute. Un jour ou l’autre il te donnera aussi ton parfait contentement.

Là-dessus elle s’en alla, et Huriel, me serrant dans ses bras :

— Ta tante a raison, me dit-il ; c’est la meilleure des femmes. Tu n’es pas dans le secret, mais ça ne fait rien. Tu n’en es que meilleur ami : aussi… donne-moi ta parole, Tiennet, que tu viendras travailler ici tout l’été avec nous, car j’ai mon idée sur toi, et, si Dieu m’assiste, tu m’en remercieras bel et bien.

— Si je t’entends, lui dis-je, tu viens de boire ton vin bien pur, et ma tante en a retiré le brin de paille qui t’aurait fait tousser ; mais ton idée sur moi me paraît plus difficile à contenter.

— Ami Tiennet, le bonheur se gagne, et si tu n’as pas une idée contraire à la mienne…

— J’ai peur de l’avoir trop pareille ; mais ça ne suffit pas.

— Sans doute ; mais qui ne risque rien n’a rien. Es-tu si Berrichon que tu ne veuilles tenter le sort ?

— Tu me donnes trop bon exemple pour que j’y fasse le couard, répondis-je ; mais crois-tu donc…

Brulette vint nous interrompre, et nous vîmes à son air qu’elle ne se doutait toujours de rien.