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car jamais femme ne porta mieux la gaieté sans outrance et la malice sans méchanceté.

— Ah ça, mon garçon, lui dit-elle, après beaucoup de propos en l’air, qui ne lui avaient servi qu’à faire passer la première soif, vous voilà, pour tout de bon, accordé avec ma Brulette ? Il n’y a point à reculer, car ce que vous souhaitiez est arrivé : tout le monde en cause, et si vous pouviez entendre, comme moi, ce qui se dit de tous les côtés, vous verriez qu’on vous met sur le dos le futur aussi bien que le passé de ma jolie nièce.

Je vis que cette parole enfonçait un couteau dans le cœur d’Huriel et le faisait tomber des étoiles dans les épines ; mais il y fît bonne contenance et répondit en riant :

— Je souhaiterais, ma bonne dame, avoir eu le passé, car tout en elle n’a pu être que beau et bon ; mais si j’ai le futur seulement, je me tiendrai pour bien partagé du bon Dieu.

— Et sage vous serez, riposta ma tante, riant toujours, et le regardant de près avec ses petits yeux verts qui ne voyaient pas de loin, de telle façon qu’on eût dit qu’elle lui voulait percer le front avec son nez effilé. Quand on aime, on aime tout, et on ne se rebute de rien.

— C’est ma volonté, dit Huriel d’un ton sec qui ne démonta point ma tante.

— Et c’est d’autant mieux de votre part, que la pauvre Brulette a plus d’ordre que de bien. Vous savez sans doute que toute sa dot tiendrait bien dans votre verre, et si, n’y a-t-il point de louis d’or dans son compte.

— Eh bien, tant mieux, dit Huriel ; le compte en sera fait vitement, et je n’aime point à perdre mes heures dans les additions.

— D’ailleurs ; fit ma tante, un enfant tout élevé est un embarras de moins dans un ménage, surtout si le