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s’amender beaucoup pour l’être autant que celui que Dieu a fait gentil de son naturel.

— Vous m’étonnez grandement, dit Thérence. S’il y a des enfants plus gentils que celui-là, on est trop heureux de pouvoir vivre avec eux. Mais en voilà assez, Tiennet. Allez-vous-en, ou l’on viendra vous chercher et on voudra aussi m’emmener, ce qui me contrarierait, je vous le confesse, car je suis un peu lasse et je me trouve si bien d’être là tranquille avec ce petit, qu’on ne me rendrait pas service en me dérangeant sitôt.

Il fallut bien obéir, et je m’en allai le cœur tout rempli et tout révolutionné des idées qui me venaient au sujet de cette fille.




VINGT-QUATRIÈME VEILLÉE


Ce n’était pas seulement la beauté surprenante de Thérence qui m’occupait l’esprit, mais un je ne sais quoi qui me la faisait paraître au-dessus de toutes les autres. Je m’étonnais d’aimer tant Brulette, qui lui ressemblait si peu, et j’allais me demandant si l’une des deux était trop franche ou l’autre trop fine. Dans mon jugement, Brulette était plus aimable, ayant toujours quelque chose de gentil à dire à ses amis, et sachant les retenir autour d’elle par toutes sortes de petits commandements dont les garçons se sentent flattés, parce qu’ils aiment à se croire nécessaires. Tout au rebours, Thérence vous marquait franchement n’avoir aucun besoin de vous, et semblait même étonnée ou ennuyée que l’on fît attention à elle. Toutes deux sentaient leur prix cependant ; mais tandis que Brulette se donnait la peine de vous le faire sentir aussi, l’autre avait l’air de ne vouloir qu’une estime pareille à celle qu’elle pourrait vous rendre. Et je ne sais comment ce grain de fierté,