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tout de suite, avant que mon frère fasse un de ces pas qu’un honnête homme ne peut plus faire en arrière.

— Tu n’iras pas, Tiennet, dit Huriel, je te le défends. Si, comme je le crois, Brulette est aussi innocente que ma sœur Thérence, il ne lui sera pas fait l’injure d’une question avant que je lui aie fait, moi, l’honneur de ma parole.

— Penses-y, mon frère… dit encore Thérence.

— Ma sœur, répondit Huriel, tu oublies une chose : c’est que, si Brulette a fait une faute, moi, j’ai fait un crime, et que, si l’amour l’a entraînée à mettre un enfant dans le monde, moi, l’amour m’a entraîné à mettre un homme dans la terre !

Et comme Thérence insistait : — Assez, assez ! lui dit-il en l’embrassant et en la repoussant. J’ai beaucoup à me faire pardonner avant de juger les autres : j’ai tué un homme ! Disant cela, il s’enfuit sans vouloir m’attendre, et je le vis courir vers la maison de la mariée, qui fumait de cuisine et grouillait de vacarme emmi toutes celles du village.

— Ah ! dit Thérence en le suivant des yeux, mon pauvre frère n’a pas oublié son malheur ! et peut-être qu’il ne s’en consolera jamais !

— Il s’en consolera, Thérence, lui dis-je, quand il se verra aimé de celle qu’il aime, et je vous réponds qu’il l’est déjà et depuis longtemps.

— Je le crois bien aussi, Tiennet ; mais si cette fille n’était pas digne de lui !

— Voyons, ma belle Thérence, êtes-vous donc si sévère que vous feriez péché mortel d’un malheur arrivé à une enfant ; et, qui sait ?… peut-être par surprise ou par force ?

— Ce n’est pas tant le malheur ou la faute que je blâmerais, que les mensonges de la bouche ou de la conduite qui en auraient été la conséquence. Si, du premier jour, votre cousine avait dit à mon frère : « Ne me recherchez pas, j’ai été trompée ou violentée, »