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le soin de cacher. À présent, fais comme tu voudras, je n’y veux plus penser. »

» Là-dessus, Joseph a tourné le dos et s’est enfui dans le bois.

» Il avait l’air si agité, et moi, je sentais tant d’amour et de foi dans mon cœur, que j’ai accusé ce malheureux jeune homme d’un mouvement de folie et de mauvaise rage. Tu te souviens, ma sœur, que tu m’as trouvé changé et que tu m’as cru malade pendant que nous allions au bourg d’Huriel. Quand nous avons été là, tu as trouvé chez nos parents deux lettres de Brulette, et moi trois lettres de Tiennet, toutes déjà anciennes, et qu’on avait manqué à nous envoyer, malgré qu’on nous l’eût si bien promis. Ces lettres-là étaient si simples, si bonnes, et marquaient tant de vérité dans l’amitié, que j’ai dit : « Marchons ! » et les paroles de Joseph ont passé de mon esprit comme un mauvais rêve. J’en avais honte pour lui ; je ne voulais pas m’en souvenir. Et quand, tout à l’heure, j’ai vu là, Brulette, avec son air si doux, et sa modestie qui me charmait tant par le passé, je jure Dieu que j’avais oublié tout, aussi bien oublié que la chose qui n’a jamais été. La vue de cet enfant m’a tué ! Et voilà pourquoi j’ai voulu savoir si Brulette était libre de m’aimer. Elle l’est, puisqu’elle m’a promis de s’exposer pour moi à la critique et au délaissement des autres. Eh bien, puisqu’elle ne dépend de personne, si elle a eu un malheur dans sa vie… que je le croie un peu ou pas du tout… qu’elle le confesse ou s’en justifie… c’est tout un : je l’aime !

— Tu aimerais une fille déshonorée ? s’écria Thérence. Non, non ! pense à ton père, à ta sœur ! Ne va pas à cette noce avant que nous sachions la vérité. Je n’accuse pas Brulette, je ne crois pas à Joseph. Je suis sûre que Brulette est sans tache, mais encore faut-il qu’elle le dise, et elle fera mieux, elle le prouvera. Allez la chercher, Tiennet. Il faut qu’elle s’explique