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sur ses bras pour que je voulusse le prendre sur les miens.

— Il faut donc que je t’explique cela, dit Huriel, encore que les mots me brûlent la bouche. Eh bien oui, j’aime mieux le dire ! Ce sera, l’unique fois, car mon parti est pris, quoi qu’il y ait, quoi qu’il arrive ! Sache, Thérence, qu’il y a trois jours, quand nous avons quitté Joseph à Montaigu… tu sais comme je partais le cœur libre et content ! Joseph était guéri, Joseph renonçait à Brulette, Joseph te demandait en mariage, et Brulette n’était pas mariée ! il le disait. Il la regardait comme libre aussi, et, à toutes mes questions, il répondait : « Comme tu voudras, je n’en suis plus amoureux ; tu peux l’aimer sans que je m’en inquiète. »

« Eh bien, sœur, au moment où nous le quittions, il me retint par le bras et me dit, pendant que tu montais sur la charrette : « Est-ce donc vrai ? est-ce décidé, Huriel, que tu vas au pays de chez nous ? Et ton idée est-elle de faire la cour à celle que j’ai tant aimée ?

» — Oui, lui dis-je, puisque tu veux le savoir. C’est mon idée, et tu n’as plus le droit de revenir sur la tienne, ou je croirais que tu as voulu te jouer de moi en me demandant ma sœur.

» — Cela n’est pas, a répondu Joseph ; mais je crois que je te trahirais, à cette heure, si je te laissais partir sans te dire une triste chose. Dieu m’est témoin que de telles paroles ne me seraient jamais sorties de la bouche contre une personne dont le père m’a élevé, si tu n’étais pas là tout prêt à faire une faute. Mais, comme ton père m’a élevé aussi, donnant l’instruction à mon esprit, comme l’autre avait donné le soin et la nourriture à mon corps, je crois que je suis obligé à la vérité. Sache donc, Huriel, qu’au temps où je quittais Brulette par amour, Brulette avait déjà eu, à mon insu, de l’amour pour un autre, et qu’il y en a une preuve aujourd’hui bien vivante, qu’elle ne prend même pas