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Eh bien, vous le verrez, si vous voulez revenir la semaine prochaine, et même… Mais c’est trop tôt vous parler de cela. Voilà le patron qui arrive.

Brulette rougit encore, pensant que ce fût Huriel que Thérence appelait ainsi ; mais ce n’était qu’un bourgeois étranger, lequel avait acheté la coupe de la forêt du Chassin.

Je dis forêt parce que, sans doute, il y en avait une autrefois, qui continuait la petite et belle futaie de chênes que nous avions avisée de l’autre côté de l’eau. Puisque le nom s’en est conservé, il faut croire qu’il n’y a pas été donné pour rien. Par la conversation que cet acheteur de bois eut avec Thérence, nous fûmes bien vite au fait. Il était du Bourbonnais et connaissait, de longue date, le grand bûcheux et sa famille pour gens de bon travail et de parole certaine. Étant en quête, par son état, de beaux arbres pour la marine du roi, il avait découvert cette coupe vierge, chose rare en nos pays, et avait confié l’entreprise de l’abatage et du débitage au père Bastien, à quoi celui-ci s’était décidé d’autant mieux que son fils et sa fille, sachant l’endroit voisin du nôtre, avaient fait grand’fête à l’idée de venir passer tout l’été et peut-être partie de l’hiver auprès de nous.

Le grand bûcheux avait donc le choix et la gouverne de ses ouvriers par un contrat à forfait avec le fournisseur des chantiers de l’État ; et pour faciliter son exploitation, ce fournisseur avait fait consentir le propriétaire de la forêt à lui céder gratis l’usance du vieux château, où lui, bourgeois, se serait senti bien mal logé, mais où une famille de bûcheux se trouverait mieux, dans la saison avancée, que sous ses cabanes de pieux et de bruyères.

Huriel et sa sœur étaient arrivés depuis le matin seulement ; l’une avait commencé de s’installer, tandis que l’autre avait été faire connaissance avec le bois, le terrain et les gens du pays.