Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/313

Cette page n’a pas encore été corrigée

savons point ; puis il a mandé mon frère devant lui et lui a dit : « Mon fils, confessez-vous à moi comme à Dieu. » Et Huriel ayant dit toute la vérité de bout en bout, l’évêque lui a dit encore : « Faites-en pénitence, mon fils, et repentez-vous. Votre affaire est arrangée devant les hommes ; vous n’en serez jamais inquiété ; mais vous devez apaiser le mécontentement de Dieu, et pour cela, je vous engage à quitter la compagnie et la confrérie des muletiers, qui sont gens sans religion et dont les pratiques secrètes sont contraires aux lois du ciel et de la terre. » Et mon frère lui ayant humblement remontré qu’il s’y trouvait pourtant d’honnêtes gens : « C’est tant pis, a dit le grand prêtre. Si les honnêtes gens qui s’y trouvent refusaient les serments qui s’y font, le mal sortirait de cette société-là, et ce serait une corporation d’ouvriers aussi estimable que toute autre. »

» Mon frère a réfléchi aux paroles du grand prêtre, et aurait souhaité réformer les mauvaises coutumes de ses confrères, ce qui lui paraissait plus utile que de les abandonner. Il a donc été les trouver et leur a fort bien parlé, à ce qu’on m’a dit ; mais, après l’avoir écouté très-doucement, ils lui ont répondu ne pouvoir et ne vouloir rien changer dans leurs usances. Sur quoi, il leur a payé le dédit convenu, a vendu tous ses mulets, et n’a gardé que son clairin pour notre service. Par ainsi, Brulette, ce n’est pas un muletier que vous allez voir, mais un bon et solide fendeux de bois qui travaille avec son père.

— Et qui a dû avoir un peu de peine à s’y habituer, peut-être ? dit Brulette, cachant mal le plaisir qu’elle goûtait dans toutes ces nouvelles.

— S’il a senti quelque peine à changer de travail, répondit Thérence, il s’en est consolé en se souvenant que vous aviez peur des muletiers, et que dans vos pays, on les avait en abomination. Mais puisque j’ai contenté votre impatience de savoir comment mon frère était