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de vous s’il n’y a pas eu de suites à un malheur qui nous tourmentait tous là-bas !

— Mon frère, dit Thérence, n’a pas fait ce qu’on s’imaginait. Au lieu de s’en aller cacher son malheureux secret dans les pays éloignés, il est revenu sur ses pas au bout de huit jours. Il a été chercher le carme à son couvent, qui est du côté de Montluçon, où il savait qu’il le trouverait revenu de sa tournée.

» Frère Nicolas, qu’il lui a dit, je ne peux pas vivre avec un mensonge si lourd sur le cœur. Vous m’avez dit de m’en confesser à Dieu, mais il y a sur la terre une justice qui, pour n’être pas toujours bien rendue, n’en est pas moins une loi venue du ciel. Il faut donc que je me confesse aussi aux hommes, et que j’endure la peine et le blâme que j’ai pu mériter.

» — Un moment, mon fils, a répondu le moine ; les hommes ont inventé la peine de mort, que Dieu réprouve, et ils vous tueront peut-être volontairement pour avoir tué par mégarde.

» — Ça n’est pas possible, a dit mon frère. Je n’ai pas voulu tuer, et je le prouverai.

» — Vous le prouverez par témoins, a dit le moine ; alors vous compromettrez vos compagnons, votre chef, qui est mon neveu et qui n’est pas plus assassin que vous dans son intention : vous les exposerez à être tourmentés et vous vous verrez entraîné à trahir les jurements que vous avez faits à votre confrérie. Tenez, restez à mon couvent et attendez-moi. Je me charge d’arranger tout, pourvu que vous ne me demandiez pas trop comment. »

» Là-dessus le carme a été trouver son abbé, lequel l’a renvoyé devant son évêque, celui que, dans les campagnes, nous appelons le grand prêtre, comme dans les temps anciens, et qui est évêque de Montluçon. Le grand prêtre, qui a le pouvoir d’être écouté des plus grands juges, a dit et fait des choses que nous ne