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VINGT-DEUXIÈME VEILLÉE


Je vis que Brulette était portée à blâmer Joseph très-sévèrement et je pensai devoir le défendre un peu. — Je suis loin d’approuver ce que sa conduite montre d’ingratitude envers vous, dis-je à Thérence ; mais, puisque vous en êtes assez revenue pour voir selon la justice, convenez qu’au fond de son idée, il y avait un respect pour vous et une crainte de vous tromper. Tout le monde n’est pas vous, ma belle fille des bois, et je pense même que peu de gens ont le cœur assez pur et le courage assez franc pour aller droit au but et dire, comme cela, les choses telles qu’elles sont. Et puis, vous avez une somme de force et de vertu dont Joseph, et bien d’autres en sa place, ne se sentiraient peut-être point capables.

— Je ne vous entends point, dit Thérence.

— Si fait moi, dit Brulette. Joseph craignait sans doute de se laisser jeter un charme par votre beauté, et de vous aimer pour cela, sans pouvoir vous donner tout son cœur, comme vous le méritez.

— Oh ! dit Thérence, toute rougissante d’orgueil fâché, c’est juste de cela que je me plains ! Joseph a craint de m’entraîner dans quelque faute, dites le mot. Il n’a pas compté sur ma raison et sur mon honneur. Eh bien, son estime m’eût consolée, au lieu que son doute est une chose humiliante. N’importe, Brulette, je lui pardonne tout, parce que je n’en souffre plus et me sens au-dessus de lui ; mais rien n’ôtera du fond de mon cœur que Joseph a été ingrat envers moi et qu’il a vu petitement son devoir. Je vous dirais : N’en parlons plus, si je n’étais obligée de vous raconter le reste ; mais il le faut, autrement vous ne sauriez quoi penser de la conduite de mon frère.

— Ah ! Thérence, dit Brulette, il me tarde bien d’apprendre