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tort et lui avait retiré la garde de l’enfant. Elle avait été si longtemps la servante volontaire et le chien couchant de Brulette, qu’elle ne s’arrangeait plus de ne rien gagner avec elle, et, pour s’en revancher, elle inventait tout ce qu’on souhaitait lui faire dire. Elle racontait donc, à qui voulait l’entendre, que Brulette s’était oubliée dans son honneur avec ce chétif gars Joset, et qu’elle en avait eu tant de honte qu’elle lui avait commandé de partir. Joset s’y était soumis moyennant la promesse qu’elle ne se marierait avec aucun autre, et il avait été chercher fortune au loin, à seules fins de l’épouser. L’enfant avait été, disait encore Lamouche, emporté dans le Bourbonnais par des messagers tout barbouillés de noir qu’on disait muletiers, et avec lesquels Joseph s’était ménagé des accointances dans le temps, sous couleur d’acheter une cornemuse ; mais il n’y avait jamais eu d’autre cornemuse en jeu que ce braillard de Charlot. Enfin, un an environ après sa délivrance, Brulette avait été voir son amant et son petit, en ma compagnie et en celle d’un muletier aussi laid que le diable. C’est là que nous avions fait la connaissance du frère quêteur, lequel s’était prêté à rapporter le petit avec nous, en conséquence de quoi nous avions, de concert, fabriqué l’histoire d’un champi de riche, ce qui était d’autant plus faux que ce champi-là n’avait pas fait entrer un sou de plus au logis de mon oncle.

Lorsque la Lamouche eût inventé cette explication, où, comme vous voyez, le mensonge se trouvait emmêlé avec la vérité, son dire prévalut sur tous les autres, et la visite, si courte et quasiment cachée, que Joseph était venu faire avec nous au pays acheva de persuader le monde.

Alors on en fit de grandes risées, et Brulette fut qualifiée de Josette, en manière de sobriquet.

Malgré mon dépit contre toutes ces méchancetés, Brulette prenait si peu de soin de s’en défendre et