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rencontrai le carme qui s’en allait à la Châtre, et qui me dit, de la part du père Brulet, qu’il me voulait avoir à souper.

Qui fut bien étonné, en entrant chez Brulette ? ce fut moi, d’y trouver le grand-père, assis d’un côté et la belle de l’autre, regardant sur la table, entre eux deux, la corbeille du moine, ouverte, et remplie d’un gros gars d’environ un an, assis sur un coussin et s’essayant à manger des guignes noires, dont il s’embarbouillait tout le museau !

Brulette me sembla d’abord très-pensive et même triste ; mais quand elle vit mon étonnement, elle ne se put retenir de rire ; après quoi elle s’essuya les yeux et me parut avoir versé quelques larmes, plutôt de chagrin ou de dépit, que de gaieté.

— Allons, dit-elle enfin, ferme la porte et nous écoute. Voilà mon père qui veut te mettre au fait du beau cadeau que le moine nous a apporté.

— Vous saurez, mon neveu, dit le père Brulet, qui jamais ne riait d’aucune chose plaisante, non plus qu’il ne se troublait d’aucun souci, que voilà un enfant orphelin dont nous nous sommes arrangés avec le carme, pour prendre soin, moyennant pension. Nous ne connaissons à cet enfant ni père, ni mère, ni pays, ni rien. Il s’appelle Charlot, voilà tout ce que nous en savons. La pension est bonne, et le carme nous a donné la préférence, pour ce qu’il avait rencontré ma fille en Bourbonnais ; et, comme il lui avait été dit d’où elle était, et que c’était une personne bien comme il faut, n’ayant pas grand bien, mais n’étant chargée d’aucune misère et pouvant disposer de son temps, il a pensé à lui faire plaisir et à lui rendre service en lui donnant la garde et le profit de ce marmot.

Encore que la chose fût assez étonnante, je ne m’en étonnai pas dans le premier moment, et demandai seulement si ce carme était anciennement connu du père