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plus. J’eus regret de l’avoir fâché, et, cependant, je ne me pouvais défendre de trouver sa jalousie bien mal plantée sur le terrain d’Huriel, étant à ma connaissance que ce garçon l’avait servi de son mieux à son propre détriment, et je pris, de ce moment, la jalousie en si mauvaise estime, que, depuis, je n’en ai plus jamais senti la piqûre, et ne l’aurais sentie, je crois, qu’à bonnes enseignes.

J’allais cependant lui parler plus doucement, quand nous vîmes que Brulette, qui marchait toujours devant, s’était arrêtée au bord du chemin pour parler avec un moine qui me semblait gros et court comme celui dont nous avions fait connaissance au bois de Chambérat. Je fouaillai le cheval, et je m’assurai que c’était bien le même frère Nicolas. Il avait demandé à Brulette s’il était loin de notre bourg, et, comme il s’en fallait encore d’une petite lieue et qu’il se disait bien fatigué, elle lui avait fait offre de monter sur notre voiture pour gagner l’endroit.

Nous lui fîmes place, ainsi qu’à un grand corbillon couvert qu’il portait, et qu’il posa, avec précaution, sur ses genoux. Aucun de nous ne songea à lui demander ce que c’était, excepté moi peut-être, qui suis d’un naturel un peu curieux ; mais j’aurais craint de manquer à l’honnêteté que je lui devais, car les frères quêteurs ramassaient dans leurs courses toutes sortes de choses qu’ils se faisaient donner par la dévotion des marchands et qu’ils revendaient ensuite au profit de leur couvent. Tout leur était bon pour ce commerce, mêmement des affiquets de femme, qu’on était quelquefois bien étonné de voir dans leurs mains, et dont quelques-uns n’osaient pas trafiquer ouvertement.

Je repris le trot, et bientôt nous avisâmes le clocher, et puis les vieux ormeaux de la place, et puis toutes les maisons grandes et petites du bourg, qui ne me firent pas autant de plaisir que je m’en étais promis, la rencontre de frère Nicolas m’ayant remis en mémoire des