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à mesure que nous approchons de chez nous, que les arbres sont petits, les herbes jaunes, les eaux endormies. Avant d’avoir jamais quitté nos plaines, je m’imaginais ne pas pouvoir me supporter trois jours dans des bois ; et, à cette heure, il me semble que j’y passerais ma vie aussi bien que Thérence, si j’avais mon vieux père avec moi.

— Je ne peux pas en dire autant, cousine, lui répondis-je. Pourtant, s’il le fallait, je pense que je n’en mourrais point ; mais que les arbres soient tant grands, les herbes tant vertes et les eaux tant vives qu’elles voudront, j’aime mieux une ortie en mon pays qu’un chêne en pays d’étrangers. Le cœur me saute de joie à chaque pierre et à chaque buisson que je reconnais, comme si j’étais absent depuis deux ou trois ans, et quand je vas apercevoir le clocher de notre paroisse, je lui veux, pour sûr, bailler un bon coup de chapeau.

— Et toi, Joset ? dit Brulette, qui prit enfin garde à l’air ennuyé de notre camarade. Toi qui es absent depuis plus d’une année, n’es-tu pas content d’approcher de ton endroit ?

— Excuse-moi, Brulette, répondit Joseph ; je ne sais pas de quoi vous parlez. J’avais dans la tête de me souvenir de la chanson du grand bûcheux, et il y a, au milieu, une petite revirade que je ne peux pas rattraper.

— Bah ! dit Brulette, c’est quand la chanson dit : J’entends le rossignolet.

Et, le disant, elle le chanta tout au juste, ce dont Joseph, comme réveillé, sauta de joie sur la charrette en frappant ses mains.

— Ah ! Brulette, dit-il, que tu es donc heureuse de te souvenir comme ça ! Encore, encore J’entends le rossignolet !

— J’aime mieux dire toute la chanson, fit-elle, et elle nous la chanta tout entière sans en omettre un mot ;