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— J’en ai beaucoup, répondit-elle en me serrant la main que je lui tendais ; mais cela fut dit d’un air de franc camarade qui rabattait toute fumée, et je dormis là-dessus sans plus d’imagination qu’il n’en fallait avoir.

Le lendemain, quand vint l’heure des adieux, Brulette pleura en embrassant le grand bûcheux, et lui fit promettre qu’il viendrait nous voir chez nous avec Thérence. Et puis, ces deux belles filles se firent si grandes caresses et assurances d’amitié, qu’elles ne se pouvaient quitter. Joseph présenta ses remercîments à son maître pour tout le bien et le profit qu’il en avait reçu, et quand ce fut au tour de Thérence, il essaya de lui rendre les mêmes grâces ; mais elle le regarda d’un air de franchise qui le troubla, et, se serrant la main, ils ne dirent guère mieux que : « À revoir, portez-vous bien. »

Ne me sentant pas trop honteux, je demandai à Thérence licence de l’embrasser, pensant en donner le bon exemple à Joseph ; mais il n’en profita point et monta vitement sur la voiture pour couper court aux accolades. Il était comme mécontent de lui et des autres. Brulette se plaça tout au fond de la charrette, et tant qu’elle put voir nos amis du Bourbonnais, elle les suivit des yeux, tandis que Thérence, debout sur la porte, paraissait songer plutôt que se désoler.

Nous fîmes assez tristement quasi tout le reste du chemin. Joseph ne disait mot. Il eût peut-être souhaité que Brulette s’occupât un peu de lui ; mais à mesure que Joseph avait repris ses forces, Brulette avait repris sa liberté de penser à celui qui mieux lui plaisait ; et, reportant bonne part de ses amitiés sur le père et la sœur d’Huriel, elle songeait à eux et en causait avec moi pour les louer et les regretter. Et, comme si elle eût laissé tous ses esprits derrière elle, elle regrettait aussi le pays que nous venions de quitter. — C’est chose étrange, me disait-elle, comme je trouve,