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et de meilleurs amis que les gens d’ici ? Allez voir vos parents, vous ferez bien, si vous en avez la force ; mais, à moins que vous n’ayez envie de mourir au loin…

Le chagrin ou le mécontentement lui coupèrent la parole. Joseph, qui l’observait, changea tout de suite de mine et de langage.

— Ne faites pas attention à ce que je rêvais ce matin, Thérence, lui dit-il ; jamais je ne trouverai meilleur maître ni meilleurs amis. Vous m’avez dit de vous raconter mes songes ; je vous les raconte, voilà tout. Quand je serai guéri, je vous demanderai conseil à vous trois, ainsi qu’à votre père. Jusque-là, ne pensons point à ce qui peut me passer par la tête, et réjouissons-nous, du temps que nous sommes ensemble.

Thérence s’apaisa ; mais Brulette et moi, qui connaissions bien comme Joseph était décidé et entêté sous son air doux ; nous, qui nous souvenions de la manière dont il nous avait quittés, sans rien contredire et sans se laisser rien persuader, nous pensâmes que son parti était pris, et que personne n’y pourrait rien changer.

Pendant les deux jours qui s’ensuivirent, je recommençai de m’ennuyer, et Brulette pareillement, malgré qu’elle se dégageât beaucoup pour achever la broderie dont elle voulait faire don à Thérence, et qu’elle allât voir le grand bûcheux souvent, tant pour laisser Joseph aux soins de la fille des bois, que pour parler d’Huriel avec son père et consoler ce brave homme de la tristesse et de la crainte où l’avait mis la bataille. Le grand bûcheux, touché de l’amitié qu’elle lui marquait, eut la confiance de lui dire toute la vérité sur Malzac, et loin que Brulette en voulût mal à Huriel, comme celui-ci l’avait redouté, elle ne s’en attacha que mieux à lui, par l’intérêt qu’elle lui portait et la reconnaissance qu’elle lui devait.

Le sixième jour, on parla de se séparer, car le terme approchait, et il fallait s’occuper du départ. Joseph