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que Brulette n’était qu’une ramasseuse de bois mort ; ce qui, chez les forestiers, s’entend d’un fantôme qui court la nuit, et dont la croyance sert souvent aux filles de mauvaise conduite pour n’être point reconnues, grâce à la peur que les bonnes gens ont de cet esprit follet. Aussi, dans l’idée des muletiers, qui ne sont point crédules, un pareil mot est une grande injure.

» Pourtant, je fus aussi endurant que possible ; mais, à la fin, poussé à bout, je lui fis des menaces pour m’en débarrasser. Il me répondit alors que j’étais un lâche, capable d’abuser de ma force en un endroit écarté, mais que je n’oserais pas le défier au bâton, en franche bataille, devant témoins ; que chacun savait bien que je n’avais jamais eu occasion de marquer ma hardiesse, et que là où il y avait compagnie, j’étais toujours du goût de tout le monde, afin de n’avoir point à me mesurer en partie égale.

» Là-dessus, il me quitta, disant qu’il y avait danse au bois de Chambérat, que c’était Brulette qui régalait, et qu’elle en avait le moyen, attendu qu’elle était maîtresse d’un gros bourgeois en son pays ; et que, pour sa part, il irait là se divertir et courtiser la demoiselle à ma barbe, si j’avais le cœur de m’en venir assurer.

» Tu sais, Tiennet, que j’avais intention de ne plus revoir Brulette, et cela pour des raisons que je te dirai peut-être plus tard.

— Je les sais, répondis-je, car je vois que tu as vu ta sœur cette nuit, et voilà, à ton oreille, un gage qui dépasse ton mouchoir et qui me prouve ce dont j’avais déjà une forte doutance.

— Si tu sais que j’aime Brulette et que je tiens à son gage, reprit Huriel, tu en sais autant que moi ; mais tu ne peux en savoir davantage, car je ne suis sûr que de son amitié, et quant au reste… Mais il ne s’agit pas de ça, et je te veux raconter comment le malheur m’a