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sur toi, ce n’est pas une raison pour que je te dise ce que tu n’as pas besoin de savoir, à moins que tu ne le souhaites pour ne pas douter de mon amitié.

— Tu en feras ce que tu voudras, lui répondis-je. S’il est utile pour toi que je sache les conséquences de ta batterie avec Malzac, dis-les-moi, quand même j’aurais regret à les entendre ; sinon, j’aime autant ne pas trop savoir ce qu’il est devenu.

— Ce qu’il est devenu ! répéta Huriel, dont la voix sembla étouffée par un grand malaise ; et il m’arrêta aux premières branches que le chêne étendait vers nous, comme s’il eût craint de marcher sur un terrain où je ne voyais pourtant nulle trace de ce que je commençais à deviner. Puis il ajouta, en jetant devant lui un regard obscurci de tristesse, et parlant de ce qu’il voulait taire, comme si quelque chose le poussait à se trahir : — Tiennet, te souviens-tu des paroles glaçantes que cet homme nous a dites au bois de la Roche ? « Il ne manque pas de fosses dans les bois pour enterrer les fous, et ni les pierres, ni les arbres n’ont de langue pour raconter ce qu’ils ont vu ! »

— Oui, répondis-je, sentant une sueur froide me passer par tout le corps ; il paraît que les mauvaises paroles tentent le mauvais sort, et qu’elles portent malheur à ceux qui les disent.



DIX-SEPTIÈME VEILLÉE


Huriel se signa en soupirant ; je fis comme lui, et, nous détournant de ce mauvais arbre, nous passâmes notre chemin.

J’aurais voulu lui dire, comme le carme, quelque bonne parole pour le tranquilliser, car je voyais bien qu’il avait l’esprit en peine ; mais, outre que je n’étais pas assez savant pour le prêche, je me sentais coupable aussi à ma manière. Je me disais, par exemple, que si