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qui descendait vers le lit d’un ruisseau, non loin des loges. J’y entrai après elle, par le même sentier, et, comme il s’y trouvait beaucoup de crochets, je la perdis bien vite de vue ; mais j’entendais le petit bruit de son pas, qui, de temps en temps, cassait une branche morte par terre, ou faisait rouler un petit caillou.

Il me sembla qu’elle marchait vite, et j’en fis autant pour ne me point trop laisser dépasser. Deux ou trois fois, je me crus si près d’elle, que je me détardai un peu pour ne pas me faire voir. J’arrivai ainsi à l’une des routes tracées dans le bois ; mais l’ombrage de la futaie y régnait si dru, que j’eus beau regarder à ma droite et à ma gauche, je pus rien voir qui me fît connaître quel côté elle avait pris.

J’écoutai, l’oreille penchée vers la terre, et j’entendis, dans la sente qui continuait de l’autre côté du chemin, le même bruit de branches qui m’avait déjà servi. Je me hâtai d’aller par là, jusqu’à un autre chemin qui me conduisit au ruisseau, et là, je commençai à croire que je n’étais plus sur la trace de Thérence, car le ruisseau était large et vaseux, et quand je l’eus passé, en y enfonçant beaucoup, je ne trouvai plus aucune trace frayée. Il n’y a rien qui trompe comme les sentiers des bois : en des endroits, les arbres se trouvent plantés de manière qu’on croit avoir trouvé une allée ; ou bien les animaux, en allant boire à quelque mare, ont battu un passage ; mais tout à coup, on se trouve pris dans des ronces si méchantes, ou enfoncé dans un terrain, si mouvant, que rien ne sert de s’y obstiner. On n’y entrerait que pour s’y égarer de plus en plus.

Cependant, je m’y entêtai, parce que j’entendais toujours du bruit devant moi, et même ce bruit devint si certain que je me mis de courir, me déchirant aux épines et m’enfonçant au plus épais : mais une manière de grognement sauvage que j’entendis me fit connaître que ce que je poursuivais était un sanglier, qui commençait