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attendait, en franc compagnon, que l’autre se relevât, sans pourtant l’approcher, dans la crainte d’une trahison dont il le savait bien capable.

Mais Malzac ne se releva point, et Archignat, faisant défense à personne de bouger, l’appela par trois fois. Il n’en eut point de réponse et s’avança jusqu’à lui, disant : — Malzac, c’est moi, ne touchez point !

Malzac ne parut pas en avoir grande envie, car il ne se mut non plus qu’une pierre ; et le chef, se penchant sur lui, le toucha le regarda, et, appelant, par leurs noms, deux muletiers, leur dit : — C’est partie perdue pour lui ; faites ce qui est à faire.

Aussitôt ils le prirent par les pieds et la tête, et s’en allèrent, toujours courant, suivis des autres muletiers, qui s’enfoncèrent dans la forêt, défendant à tout ce qui n’était pas de leur bande de s’enquérir du résultat de l’affaire. Maître Archignat les suivit le dernier, après avoir parlé dans l’oreille du grand bûcheux, qui lui répondit seulement :

— Ça suffit, adieu !

Thérence s’était attachée à son frère et lui essuyait la sueur de la figure avec son mouchoir, lui demandant s’il était blessé, et le voulant retenir pour l’examiner ; mais il lui parla aussi dans l’oreille, et au premier mot, elle lui répondit :

— Oui, oui… adieu !

Alors Huriel prit le bras de maître Archignat, et tous deux disparurent aussitôt dans l’ombre, car, du pied, en se sauvant, ils renversèrent les torches, et je me sentis comme, quand, d’un mauvais rêve tout plein de bruits et de clartés, on s’éveille dans le silence et l’épaisseur de la nuit.