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Quatorzième veillée

et s’adressant à Thérence : — Ma mignonne, lui dit-elle, je crois que le gage que garde Joset lui portera bonheur, et m’est avis qu’il le doit conserver ; mais puisque celui-ci est à vous, je vous requiers le redemander à votre frère, afin de m’en faire un don, qui me sera très-précieux venant de vous.

— Je vous ferai n’importe quel autre don vous souhaiterez de moi, répondit Thérence, et ce sera de grand cœur ; mais celui-ci ne m’appartient plus. Ce qui est donné est donné, et je ne pense pas qu’Huriel me le veuille restituer.

— Je ferai, dit vivement Huriel, ce que Brulette voudra. Voyons, le commandez-vous ?

— Oui, dit Brulette, qui ne pouvait plus reculer, encore qu’elle regrettât son idée en voyant l’air fâché du muletier. Il ouvrit aussitôt son anneau d’oreille et en retira le gage qu’il remit à Brulette, disant : — Soit fait comme il vous plaît. Je serais consolé de perdre le gage de ma sœur, si je pensais que vous ne le donnerez, ni ne l’échangerez.

— La preuve que je ne le ferai point, dit Brulette en l’attachant au collier de Thérence, c’est que je le lui donne en garde. Et quant à vous, dont voici l’oreille déchargée de ce poids, vous n’avez plus besoin d’aucun signe pour vous faire reconnaître quand vous reviendrez en mon pays.

— C’est bien honnête de votre part, répondit le muletier ; mais comme j’ai fait mon devoir envers Joseph, et que vous savez à présent ce que vous aviez besoin de savoir pour le rendre heureux, je n’ai plus à me mêler de ses affaires. Je pense que vous l’emmènerez et que je n’aurai plus jamais occasion de retourner en votre pays. Adieu donc, belle Brulette, je vous augure tous les biens que vous méritez, et vous laisse en ma famille, qui, mieux que moi, vous servira ici et vous reconduira chez vous quand vous le souhaiterez.