Page:Sand - Les Maitres sonneurs.djvu/195

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
155
Treizième veillée

fidèle à ses habitudes, s’était déjà couché dehors en travers de la porte, si bien que ni loup ni voleur n’en eût pu approcher.

En jetant un coup d’œil sur la chambrette où les deux filles se retiraient, je vis qu’il s’y trouvait un lit et quelques meubles très-propres ; Huriel, grâce à ses mulets, pouvait transporter facilement et sans dépense, d’un lieu à l’autre, le petit ménage de sa sœur ; mais celui de son père ne devait pas lui donner grand embarras, car il se composait d’un tas de fougères sèches avec une couverture. Encore le Grand-Bûcheux trouvait-il que c’était de trop et que, pour bien faire, il eût dû coucher à l’étoilée comme son fils.

J’étais assez las pour me passer de mon lit, et je dormis d’un bon somme jusqu’au jour. Je pensai que Brulette en avait fait autant, car je ne l’entendis remuer non plus qu’une petite pierre, derrière la cloison de planches qui nous séparait.

Quand je me levai, le Bûcheux et son garçon étaient debout et se consultaient ensemble.

— Nous parlions de toi, me dit le père, et comme il faut que nous allions au travail, je désire que l’affaire dont nous causons soit décidée : Brulette, à qui j’ai remontré que Joseph avait besoin de sa compagnie pour quelque temps, et qui m’a dit avoir la volonté de lui en donner le plus possible, s’est engagée pour la huitaine tout au moins ; mais elle n’a pu s’engager pour toi et nous a priés de t’y décider. C’est ce que nous ferons, j’espère, en te disant que nous en serons contents, que tu ne nous pèses point, et que nous te prions d’agir avec nous comme nous ferions avec toi, si besoin était.

Cela dit d’un air de vérité et d’amitié me commandait de m’engager ; et, de fait, ne pouvant abandonner Brulette chez des étrangers, encore qu’une huitaine me parût bien longue, j’étais obligé de me ranger à son vouloir et à l’intérêt de Joseph.